Journey Through Kyrgyzstan’s Wild Heart

Voyage au cœur du Kirghizistan

Écrit par Philippe Paradis, édité par Krystel Thibault, mise en page par Arkel

La pluie tombait à l’oblique dans les montagnes du Tian Shan. Le vent soufflait comme un soupir des glaciers, comme un soupir d’un géant de neige et de glace éternelle qui siège à l’extrémité Nord-Ouest des Himalaya. À même les flancs de cette barrière naturelle, un chemin de terre et de gravelle sillonne en lacets vers les hautes steppes d’hiver. Les locaux connaissent cette route comme le col de Barskoon ou comme la route d’Arabel, puisqu’elle commence doucement dans le petit village de Barskoon qui borde le lac Isyk Kul, puis mène vers le plateau d’Arabel, perché à plus de 4000m d’altitude.


Pour la plupart des locaux, cette route relève d’un chemin mythique de l’arrière-pays, où quelques éleveurs et bergers voyagent leur troupeau et leur yourte au gré des saisons. Pédaler le col de Barskoon était un rêve que nous caressions depuis longtemps, et c’est un graal pour les cyclistes en quête d’aventure qui ont une bonne condition physique et qui sont bien préparés. Le Kirghizistan en entier est un paradis cycliste à découvrir.

Mais en cette journée de mi-juillet, le vent, la grêle, la pluie et le froid nous faisaient sentir bien loin des journées chaudes d’été des basses terres du Tian Shan. On progressait un coup de pédale à la fois, une miette de kilomètre à la fois, avec l’oxygène qui se faisait plus rare et des conditions météorologiques toujours plus extrêmes. Nos vélos étaient plus lourds que jamais. Nos sacoches Arkel Dolphin 16 étaient remplies à pleine capacité de provisions qui devaient nous soutenir pendant 6 jours d’autonomie complète dans cette traversée d’une section complètement sauvage de la chaine de montagne. La tente et le matériel de camping étaient gardés bien au sec dans le Arkel Rollpacker 25L sur mon vélo bien chargé. Pendant ce temps, Krystel roulait son vélo lui aussi bien chargé, mais en plus elle portait une délicate vie en elle. Elle pédalait pour deux, enceinte en fin de premier trimestre, ajoutant au caractère mémorable de cette aventure.

 

Après quelques heures à tourner les jambes et à prendre des pauses régulières, on aperçut un vieux camion au bas des lacets qui gravissait le col. Enfin! Une présence humaine très rare dans les environs, et le seul véhicule qu’on aura rencontré pendant les 6 jours de cette portion de la traversée entre Barskoon et la ville de Naryn. C’était notre chance, et possiblement la seule, d’avoir une assistance pour nous rendre au plateau. Le vrombissement du moteur qui s’approchait était comme un élan d’espoir dans cette journée d’aventure extrême. 


Devant nos signes d’appel à l’aide, le camion s’arrêta. Un père et son fils sortirent de la vieille bétaillère. Leur manteau en guise de protection devant leur visage pour se protéger de la grêle qui martelait de plein fouet. Souriants, sympathiques, c’est dans ces conditions extrêmes qu’on fit connaissance. On chargea les vélos aux côtés des vaches, puis on solidifia l’attache avec des roches et des bouts de ficelles. L’imperméabilité de nos sacoches Arkel avait été mis à l’épreuve avec les conditions climatiques. Maintenant c’était de la bouse de vache qu’on croisait les doigts pour leur étanchéité!

Le chauffage à fond dans la camionnette, une famille entière pour nous accueillir; c’est ainsi qu’on a gravi les 15 derniers kilomètres du col de Barskoon. La bouteille de vodka, circulait comme un calumet. C'était fou de réaliser à quel point, malgré la barrière de la langue, nous réussissions à communiquer. Ils nous parlaient en Kirghiz, puis on leur répondait en fran-glais avec suffisamment de justesse pour comprendre l’essentiel du non-verbal.

Nous étions tellement reconnaissants d’être dans ce véhicule à moteur, à l’abri sous la tempête, plutôt que sur nos vélos face à la grêle. Des anges descendus du ciel.

Une fois sur les hauts plateaux, ils nous ont invité dans leur campement de pâturage. La vieille dame, pleine de chaleur, nous expliquait que c’était sa maison d'été. Comme c’est coutume, on partagea le thé et quelques bouts de pain et on termina sagement la bouteille de vodka. 


Sa fierté à nous recevoir était touchante. La famille s'était agrandie : des tantes, des amis, des jeunes garçons, peut-être des frères, remplissaient l’espace. Nous concoctions des scénarios dans nos têtes, tentant de deviner ce qu'ils nous racontaient. La pluie avait enfin cessé, et nous étions réchauffés, prêts à repartir sur le plateau d’Arabel.


L'aventure ne faisait que commencer.